D’un monde à l’autre : les vocabulaires de la couleur au XIXe siècle à l’épreuve

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- Longtemps issues des mondes du vivant et du minéral (Guineau 2005 ; Perego 2005 ; Bergeon et Curie 2009 ; Cardon 2014), les couleurs ont véhiculé par leur dénomination un lien au réel consubstantiel de leur matérialité. De fait, et malgré la montée en puissance des savants chimistes des académies royales des sciences à partir des années 1740, la fabrique des couleurs (Grand-Clément 2011) reste jusqu’en 1856 tributaire des matériaux d’origine naturelle qui la composent. L’invention de la mauvéine vient bouleverser l’univers occidental des couleurs, avant de gagner durant le XXe siècle l’ensemble des continents. Avec le développement des colorants et des pigments de synthèse, dont la production ne comprend plus aucune matière naturelle, organique ou inorganique, les vocabulaires de la couleur montrent une disparition progressive des dénominations concrètes et du « corps » même de la couleur (Taussig 2009 ; Young 2018). Si une partie des premiers colorants de synthèse portent encore par leur suffixe en –ine le rattachement à une matière ou à un champ coloré (flavine pour les jaunes du latin flavus, blond ; alizarine pour le rouge garance, « alizari » étant le nom commun des racines de la garance recelant les molécules colorantes), l’on constate bientôt l’apparition de désignations faisant appel à d’autres références, tantôt poétiques comme le brun « nuance Byron », ou politiques à l’image du rouge « Magenta » célébrant une victoire de Napoléon III en Italie. Aux côtés des vocabulaires scientifiques et commerciaux de la couleur, partagés par les praticiens de la couleur et leurs utilisateurs, le XIXe siècle voit par ailleurs se développer un vocabulaire plus courant, favorisé par le développement de la confection, des grands magasins et des magazines de mode, qui popularisent un vestiaire arc-en-ciel. Cette révolution de la couleur (Blaszczyk 2012 ; Rossi 2017) et de ses lexiques affecte également le rapport des artistes et des poètes à la matière chromatique. Le peintre préraphaélite William Holman Hunt ira jusqu’à soupçonner son marchand de couleur de lui vendre des pigments à base d’aniline à l’appellation trompeuse, qu’il qualifie de « pestilentiels » (Hunt 1881). Alors même que la science permet une démultiplication des possibles chromatiques, la teinte n’est donc plus, à l’évidence, le seul enjeu. Avec la révolution d’aniline, c’est une nouvelle « sémiotique matérielle » (Roque 2021) qui se joue désormais autour des origines de la couleur – remettant en question son histoire (ses histoires ?) autant que sa géographie (Eaton 2013). Sur la base des études menées sur la couleur dans de nombreux domaines des sciences exactes et humaines (Zuppiroli et Bussac 2012), la session a pour objectif de confronter et de partager les recherches en cours sur les vocabulaires de la couleur au XIXe siècle (colorants et pigments), que ces recherches traitent du domaine occidental comme de territoires extra- européens. Le fil rouge en sera la matérialité de ces lexiques, en ce que ces derniers disent, ou ne disent pas, des matières concourant à leur élaboration, avant que les praticiens et artistes ne s’en saisissent à leur tour. Interventions : Stella GRANIER - “There is no brown in nature”: Ruskin’s confused terminology of modern earth pigments Alessandra RONETTI - “Eiffel Red”: Materiality, Fashion and Urban Experience in Fin-de-siècle Culture Pauline D'ABRIGEON - La recherche des couleurs chinoises : enquêtes physico-chimiques et terminologiques de la manufacture de Sèvres sur les couvertes et émaux chinois au XIXe siècle Liting YANG - L’articulation entre la dénomination de couleur et la matérialité : un cas du bleu-vert en Chine

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Lieu de l'événement :

Salle Rhône 3A
Centre de Congrès de

69006 Lyon

Dates et horaires :

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